La stérilisation, qu’elle soit chirurgicale (ablation des organes reproducteurs) ou chimique (implant hormonal temporaire), est l’une des interventions vétérinaires les plus fréquentes. Prônée depuis des décennies pour lutter contre la surpopulation animale, elle est aussi souvent présentée comme bénéfique pour la santé et le comportement du chien. Mais qu’en disent réellement les études ? Quels sont les avantages, mais aussi les limites de cette pratique ? Petit tour d’horizon des connaissances actuelles.
Les avantages scientifiquement établis
1. Prévention de certaines maladies
Chez les femelles, la stérilisation précoce permet de réduire drastiquement le risque de tumeurs mammaires (jusqu’à 90 % si elle est faite avant les premières chaleurs), de prévenir les grossesses nerveuses, les infections de l’utérus (pyomètre) et d’éliminer tout risque de tumeurs ovariennes ou utérines.
Chez les mâles, la castration élimine les tumeurs testiculaires et réduit le risque d’hyperplasie bénigne de la prostate, voire certaines inflammations prostatiques.
2. Contrôle de la reproduction
La stérilisation est un outil essentiel contre la surpopulation canine, avec son lot d’abandons et d’euthanasies. Elle permet également d’éviter les grossesses non désirées, parfois difficiles à gérer sur le plan éthique et vétérinaire.
3. Effets comportementaux modérés mais réels
Chez certains chiens, notamment les mâles, la stérilisation peut réduire les comportements liés aux hormones sexuelles : marquage urinaire, fugues en période de chaleurs, agressivité intraspécifique ou excitation sexuelle excessive. Toutefois, les effets varient selon l’individu, son âge et le comportement ciblé.
Les inconvénients et limites de la stérilisation
1. Risques de maladies spécifiques selon la race et le moment de l’intervention
Plusieurs études récentes, notamment celles de l’Université de Davis en Californie (Hart et al., 2013–2020), montrent que la stérilisation précoce peut augmenter certains risques de santé chez certaines races, comme :
- Une augmentation du risque de cancers osseux (ostéosarcome), hémangiosarcomes ou lymphomes chez certaines grandes races.
- Des troubles articulaires (ruptures des ligaments croisés, dysplasies de la hanche) liés à l’interruption précoce de la production hormonale, qui joue un rôle dans la croissance osseuse.
Le timing de la stérilisation est donc crucial : de plus en plus de vétérinaires recommandent de ne pas stériliser trop tôt, surtout chez les chiens de grande taille, et d’adapter la décision au cas par cas.
2. Risques de surpoids
La stérilisation induit une baisse du métabolisme de base et une modification du comportement alimentaire, augmentant le risque d’obésité, surtout si l’activité physique et l’alimentation ne sont pas adaptées. L’obésité étant elle-même un facteur de risques multiples (diabète, arthrose…), c’est un point à surveiller.
3. Modifications comportementales possibles… pas toujours positives
Contrairement à certaines idées reçues, la stérilisation n’est pas une solution miracle aux troubles comportementaux. Elle peut atténuer certains comportements liés aux hormones, mais n’a aucun effet sur les comportements appris ou liés à la peur ou à l’environnement. Chez certains chiens anxieux ou sensibles, une castration peut même accentuer certains troubles du comportement (hyper-attachement, peurs, agressivité défensive), surtout si elle est pratiquée trop tôt ou sans accompagnement comportemental.
4. Impact hormonal et bien-être global à long terme
Les hormones sexuelles ne servent pas qu’à la reproduction : elles jouent aussi un rôle dans le développement cérébral, musculaire, osseux, et même dans la régulation du système immunitaire. Les supprimer trop tôt ou de façon systématique peut donc avoir des conséquences à long terme encore mal connues, surtout chez les femelles stérilisées très jeunes.
Une approche individualisée recommandée
Les connaissances scientifiques actuelles convergent vers une même conclusion : la stérilisation ne devrait pas être systématique, ni précipitée. Elle reste une option intéressante et utile, mais elle doit être discutée au cas par cas avec un vétérinaire en fonction de la race, du sexe, de l’âge, du mode de vie et de l’état de santé de l’animal. Par exemple :
- Chez un chien de grande race sportif, on privilégiera souvent une stérilisation plus tardive.
- Chez une femelle qui vit en liberté avec des mâles, la stérilisation reste souvent pertinente, même jeune.
- Chez un chien anxieux ou réactif, on pourra envisager un implant hormonal temporaire pour évaluer les effets comportementaux avant une stérilisation définitive.
En résumé
La stérilisation canine est un outil médical et éthique utile, mais qui n’est ni neutre ni universellement bénéfique. Les bienfaits sont réels, notamment en termes de santé reproductive et de contrôle des naissances, mais les effets secondaires potentiels méritent d’être mieux connus du grand public. En 2024, la tendance n’est plus à la stérilisation systématique, mais à une décision raisonnée, fondée sur les données scientifiques et le profil de chaque chien.

