Définition
La protection de ressource désigne tout comportement par lequel un chien tente de conserver ou défendre un objet qu’il considère précieux : nourriture, jouet, mastication, panier, place sur le canapé, attention du propriétaire, mouchoir…
Les signes vont du discret (se figer, manger ses croquettes plus rapidement, regard par en dessous) au plus explicite (grognement, claquement de dents, morsure, ingestion de l’objet même si non comestible). A la base, ce n’est pas un trouble comportemental en soi, mais un comportement normal et adaptatif… mais qui peut poser souci dans nos vies humaines si nous ne comprenons pas ce qu’il se passe.
Est-ce que c’est fréquent chez les chiens ?
Assez, oui. Une étude menée par Jacobs et al. (2018) sur plus de 1 300 chiens de compagnie a montré que 20 % des chiens protègent des ressources face aux humains, et près de 30 % le font face à d’autres chiens. Et ça, ce sont juste les cas clairement identifiés. Beaucoup passent inaperçus ou sont confondus avec autre chose.
📚 Jacobs, J. A., et al. (2018). Prevalence of resource guarding in companion dogs. Applied Animal Behaviour Science, 204, 1-8.
Pourquoi un chien protège-t-il une ressource ?
Plusieurs facteurs entrent en jeu :
- Le bagage génétique et la race
Certains types de chiens sont plus enclins à protéger (terriers, chiens de chasse, chiens primitifs…), mais cela ne signifie pas que la race détermine le comportement.
- Les premières expériences
Des chiots séparés trop tôt de leur mère, issus d’une portée trop nombreuse, des animaux issus de milieux précaires (n’ayant pas eu assez accès à de la nourriture), ou ayant appris que l’humain vient leur retirer leur jouet ou ce qu’ils ont en gueule ou leur enlever leur gamelle lorsqu’ils mangent peuvent développer des stratégies défensives.
📚 Bennett, S. L. et al. (2012). Factors associated with dog–human resource guarding in a university teaching hospital population.
L’émotionnel compte aussi
De nombreuses recherches associent la protection de ressource à des émotions comme la frustration, l’anxiété, ou encore la faible capacité à réguler l’excitation.
Ce n’est absolument pas un problème de dominance, mais en lieu avec les émotions de peur : une mauvaise gestion de l’anticipation d’une perte.
📚 Horwitz, D. F., & Mills, D. S. (2009). BSAVA Manual of Canine and Feline Behavioural Medicine.
Et entre chiens, ça se passe comment ?
Dans une certaine mesure, c’est souvent plus toléré et mieux compris entre eux (tant que ça ne dégénère pas). La protection de ressource entre chiens est malheureusement moins documentée.
Dans une étude observationnelle (van der Borg et al., 2015), on note cependant que la hiérarchie n’explique pas qui protège quoi. Certains chiens vont toujours défendre le canapé, d’autres la gamelle, d’autres rien du tout. C’est contextuel, individuel… et souvent ritualisé sans violence.
Peut-on résoudre un problème de protection de ressource ?
Oui. Mais pas n’importe comment.
Les méthodes basées sur la punition ou la contrainte (forcer à lâcher, retirer brutalement, mettre la main dans la gamelle “pour l’habituer”) empirent généralement la situation. Elles renforcent la peur de perdre la ressource… et donc le comportement de protection.
À l’inverse, les protocoles fondés sur la désensibilisation et le contre-conditionnement sont efficaces :
- Passer devant un chien qui mange et laisser tomber un morceau de knacki pendant durant son passage (au lieu de chercher à approcher et à enlever la gamelle du chien)
- Apprendre au chien de quitter une ressource ou de lâcher ce qu’il a en gueule grâce au troc
- Travailler sur la gestion des émotions et l’environnement
- Et, en parallèle, utiliser des outils de gestion (parc, barrière, double gamelle…) pour éviter les accidents durant la rééducation.
L’aide d’un vétérinaire comportementaliste ainsi que de traitements pharmacologiques peuvent s’avérer nécessaire dans les cas les plus complexes.
📚Reisner, I. R., Mann, J. J., Stanley, M., Huang, Y. Y., & Houpt, K. A. (2011).
Behavioral assessment and treatment of resource guarding in dogs. Veterinary Clinics of North America: Small Animal Practice, 41(2), 333-344.
Herron, M. E., Shofer, F. S., & Reisner, I. R. (2009)
Survey of the use and outcome of confrontational and non-confrontational training methods in client-owned dogs showing undesired behaviors.
Applied Animal Behaviour Science, 117(1–2), 47–54.
En résumé
- La protection de ressource est naturelle, adaptative, mais peut devenir problématique si mal gérée.
- Elle touche de nombreux chiens, sans distinction stricte de race ou d’âge.
- Elle n’est pas un signe de dominance, mais plutôt un stress face à la perte anticipée.
- Des solutions existent, mais elles doivent être progressives, respectueuses et individualisées.
Pour aller plus loin
- Webinaire “Resource Guarding in Dogs: A Fear Free Approach” de Fear Free Pets
- Les webinaires de Michael Shikashio sur le sujet (ex : “Resource Guarding in Dogs”)
- Donaldson, J. (2002). Mine !
- Overall, K. L. (2013). Manual of Clinical Behavioral Medicine for Dogs and Cats
- Jacobs, J. A., et al. (2018). Prevalence of resource guarding in companion dogs
- Horwitz, D. F., & Mills, D. S. (2009). BSAVA Manual of Canine and Feline Behavioural Medicine
- Bennett, S. L., et al. (2012). Factors associated with dog–human resource guarding
- Landsberg, G. M., et al. (2012). Behavior Problems of the Dog and Cat

